Avec l'hypnose , place aux perceptions sensorielles


«L’hypnose donne une place aux perceptions des patients»

Cet outil thérapeutique permet d'apaiser la douleur, de vaincre les phobies ou d’éviter une narcose. Le point avec un expert, le Pr Éric Bonvin.

Longtemps rejetée par la médecine faute d’avoir révélé les secrets de son action, l’hypnose est aujourd’hui utilisée partout, depuis les cabinets de psychothérapie jusqu’aux blocs opératoires en passant par les cabinets dentaires ou les services de pédiatrie pour apaiser douleurs, angoisses, phobies ou encore addictions. Décryptage avec l’un des plus grands experts de Suisse romande, le Pr Éric Bonvin, également psychiatre et directeur de l’Hôpital du Valais.

Après des décennies de marginalisation, l'hypnose est revenue par la grande porte dans le monde de la médecine. Pr. Éric Bonvin, comment expliquez-vous cette réhabilitation ?

 

Un heureux paradoxe se vit aujourd’hui: la médecine du XXIe siècle est plus technique et performante que jamais, mais cela exige d’elle de mieux prendre en compte la dimension humaine. On parle d’ailleurs de patient «partenaire». Cela signifie que l’on ne prend pas uniquement en compte l’organe malade, mais l’individu dans sa globalité, en intégrant son ressenti, qui peut tout autant le tétaniser et nuire à un traitement qu’être une force si l’on parvient à l’influencer dans le sens d’un soulagement. L’hypnose est à ce titre un magnifique prétexte pour donner cette place clé aux perceptions des patients.

Sauf que la médecine n'a pas toujours fait de l'hypnose son alliée...

C’est vrai. L’hypnose a été le précurseur de l’anesthésie et de la psychothérapie au XIXe siècle, mais les décennies qui ont suivi ont confronté les experts à l’impossibilité d’en comprendre le fonctionnement, quand bien même ses effets thérapeutiques n’ont cessé d’être démontrés. C’est finalement par peur de ce potentiel mal compris et à l’image de ce que firent les illustres psychiatres Carl Gustav Jung ou Sigmund Freud, que la médecine s’en est éloignée.

Nos techniques actuelles ont-elles pu éclaircir une partie du mystère ?

Oui. Les neurosciences ont permis d’observer que l’expérience hypnotique repose sur la dynamique naturelle de notre attention et de nos perceptions. Elle apparaît comme étant à l’état de veille ce que le sommeil paradoxal – le temps des rêves – est au sommeil. Autrement dit, une expérience de modification de nos perceptions dans laquelle l’imagination peut s’affranchir des limites de sens ou de logique imposées par la conscience. L’imagerie cérébrale a pu démontrer que l’expérience d’hypnose stimule et potentialise cette particularité de notre cerveau de s’activer de la même manière qu’une situation soit effective ou imaginée. En d’autres termes, notre cerveau ne ferait pas la différence entre le réel et l’imaginaire et l’hypnose n’est autre que l’art de l’hypnotisé de jouer de cette particularité à des fins de soulagement.

En tant qu'expert du domaine la part d'ombre restante vous dérange-t-elle ?

Pas du tout, car ce n’est pas cela qui est important. Notre culture tolère mal l’inexplicable, surtout dans le monde médical, mais je n’en suis pas moins fasciné par ce que j’observe chez des patients qui parviennent à transformer un vécu pénible en une expérience apaisée qui leur permet de «faire avec» et d’influencer la dynamique de soin. Les aptitudes humaines face à l’adversité sont fascinantes.

Pour quelles situations l'hypnose est-elle indiquée ?

Globalement, l’hypnose trouve son utilité lorsqu’une personne éprouve de la difficulté à composer avec un aspect de sa vie qu’elle supporte mal ou plus, cela peut être la maladie elle-même, un soin, une opération, une phobie. C’est ainsi que l’hypnose permet de remplacer certaines anesthésies générales par de simples sédations, de diminuer les prescriptions de médicaments antidouleur, de changer son rapport à une substance addictive pour s’en détacher ou de modifier ses perceptions empreintes de peur ou d’angoisse.

Le lâcher-prise nécessaire à l'expérience dissuade certains, qui évoquent l'inquiétude face à ce qu'ils vont peut-être faire ou dire sous hypnose. Cette crainte est-elle justifiée ?

En premier lieu, l’expérience hypnotique ne peut être obtenue sans le consentement de l’hypnotisé. Elle requiert ensuite des conditions incontournables: la bienveillance, la maîtrise et l’éthique du praticien d’une part, et l’entente du patient et du soignant sur l’objectif de la séance d’autre part. L’expérience n’appartient alors plus qu’au patient, qui n’a pas même besoin de parler ou de faire un retour sur ce qu’il a vécu mentalement. Son principal défi est de s’autoriser à se laisser aller. Le praticien est quant à lui garant du bon déroulement du processus.

Qu'est-ce qui vous a personnellement amené à l'hypnose ?

J’ai consacré ma thèse à la dimension relationnelle entre soignés et soignants dans le cadre des soins au centre des grands brûlés du Centre hospitalier universitaire vaudois. Je me suis rendu compte que les techniques classiques de relaxation étaient limitées pour apaiser la souffrance des grands brûlés. Je me suis formé à l’hypnose et les résultats que j’ai constatés m’ont convaincu. Au fil des années, j’ai pu voir ce que les patients pouvaient changer dans leur vie grâce à l’hypnose. Il y a quelque chose d’extrêmement puissant à pouvoir se laisser vivre l’instant présent tel qu’il est et à se plonger dans l’immédiateté de la vie.

Article paru dans Le Matin


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